Noël, Jean 1

Noël  prédication  25 décembre 2018

Peseux

Gn 1,1

Matthieu 2,1-12

Jean 1,1-4.14

 

Les Noëls de notre enfance sont façonnés par les images que nous avons reçues des évangiles de Matthieu et Luc. Nos souvenirs se rattachent à la crèche, au voyage de Marie et de Joseph... L’atmosphère de ces temps de fête est marquée par des images qui nous viennent des histoires racontées et embellies au cours des siècles, images qui nous restent familières, comme celle de l’âne et du bœuf qui soufflent sur Jésus.

Tout autre son de cloche, toute autre tonalité dans l’Évangile selon Saint Jean, puisque il nous invite à regarder Noël du point de vue de Dieu ! Il renouvelle ainsi notre regard sur ce Jésus dont nous avons célébré la naissance cette nuit.

« Au commencement était le Verbe[1]. »

Nous voici invités dans un temps et un espace que nous arrivons à peine à imaginer. Au commencement était le Verbe, et tout fut par lui. Nous sommes dans un temps où la terre et tout ce qu’elle contient n’ont même pas encore été créés.  Pour l’évangéliste Jean,le Verbe de Dieu est à l’origine de tout, il existe dès avant la création du monde, il renvoie à un commencement absolu. Il est dans l’infini, dans l’éternité. Insaisissable, inaccessible, il est réellement ce Dieu qui surpasse ». tout ce que nous pouvons comprendre et percevoir de lui. Il dépasse notre  entendement. Rien n’est assez grand, rien n’est assez immense pour contenir Dieu et son Verbe. Ce n’est pas seulement la terre entière, mais l’espace et le temps qui prennent une autre dimension, celle du cosmos.

L’Évangéliste nous renvoie clairement  au livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre[2]. » Le Verbe de Dieu est associé au geste de la création puisque « tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui[3]. »  Quand je relis ce texte, une belle image me revient. Il s’agit d’une  photo prise par les astronautes de la mision Apollo 8, qui furent les premiers à entreprendre le voyage de la terre à la lune. Leur tâche consistait à parcourir la distance de la terre à la lune, à tourner autour de cette dernière et à revenir sains et saufs. Peut-être certains d’entre vous s’en souviennent. Lancé le 17 décembre 1968, le véhicule habité a fait le tour de la lune. Pendant que l’engin spatial volait derrière cet astre, l’équipage de la capsule et l’équipe au sol ont vécu un temps d’images noires et surtout de silence radio impressionnant. Ce black out a duré le temps que la capsule fasse le tour de la lune. Puis, dans une émission en direct à plus de 384 000 km de la terre, l’astronaute et commandant de bord Frank Borman a ouvert sa bible et a lu le récit de la création dans le première livre de la Genèse. C’était il y a cinquante ans, presque jour pour jour. Cette lecture venue du fond de l’espace est sans doute un des souvenirs les plus marquants de mon adolescence. Il en reste une trace, une. Une photo qui nous montre la terre ocre et bleue flottant littéralement au milieu de nulle part. Dans une immensité noire se détache une boule bleue, blanche et ocre : notre terre, belle et fragile.

Le texte de L’évangile de Jean se présente comme une hymne qui chante la grandeur de Dieu. Comme dans le livre de la Genèse, comme dans les psaumes. Il est d’ailleurs fort possible que les versets que nous avons entendus ce matin aient aussi été chantés  par les premières communautés chrétiennes.

Mais cette louange à Dieu, qui est en même temps une confession de foi, se poursuit. Comment comprendre ce terme lui aussi un peu mystérieux de Verbe ?

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu[4]. »

Le Verbe est à la fois Dieu et tourné vers lui, donc différent de lui. Jean ici n’hésite pas à culbuter notre logique humaine pour nous dire ce qui est essentiel en ce dimanche de Noël.

Le Verbe appartient bien à Dieu, mais il appartient à un Dieu qui veut se communiquer aux êtres humains. Le Verbe, autrement dit le lieu de la parole, de la communication par excellence, devient l’Envoyé de Dieu. Il est pleinement envoyé puisqu’il est tourné vers Dieu, et il est pleinement Dieu puisqu’il est aussi Dieu. Les deux affirmations, même si elles brouillent quelque peu nos raisonnements, sont importantes. L’Envoyé, le Fils de Dieu, est, comme le dira plus tard le symbole de Nicée Constantinople[5], à la fois vrai Dieu et vrai homme.

Le Verbe vient nous dévoiler le vrai visage de Dieu, et les versets suivants précisent ce que Dieu nous apporte.

En parlant du Verbe, Jean écrit : « En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes[6]. »

La vie et la lumière, voilà ce que Dieu veut nous donner par l’Envoyé.

La vie d’abord. Il faut entendre ce terme dans toute son ampleur. Il s’agit bien plus que celle de notre existence biologique. La vie chez Jean, c’est tout à la fois la vie ordinaire et le goût pour la vie. La vie, pour Jean, ce sont des instants de bonheur et d’éternité.

La mort, la maladie, la solitude menacent la vie, mais l’Évangile vient nous montrer qu’en la personne du Verbe de Dieu une présence vient à nous. Elle nous accompagne pour rendre notre vie ordinaire créative, et belle de relations humaines authentiques.

La lumière ensuite. Sans lumière, nous sommes perdus. Nous ne savons pas comment nous orienter, et la lumière offerte vient alors comme un guide qui nous indique le chemin. Dans ce monde opaque, incompréhensible à bien des égards, dans ce monde de ténèbres, il est plus que nécessaire de recevoir la lumière pour garder vive la flamme de la vraie vie.

Puis sans transition, sans précaution inutile, l’hymne de Jean nous ramène sur terre :

« Il y eut un homme, envoyé de Dieu : son nom était Jean. Il vint en témoin, pour rendre témoignage à la lumière[7]. »

Voici donc que la vision macroscopique et la vision microcosmique se rejoignent. Jean, avec sa vision cosmique et universelle, et Matthieu et Luc, par leur attention aux détails dans l’histoire de la naissance de Jésus, se complètent.

L’infini de Dieu fait irruption dans le fini de la vie humaine.

L’immensité cosmique du ciel vient dans l’histoire terrestre.

L’éternité de Dieu vient s’incarner dans une histoire humaine datée et géographiquement située.

Le Dieu qui surpasse tout vient à Noël s’inscrire dans la fragilité du premier témoin de Jésus.

Le Dieu qui surpasse tout, le Dieu des origines et du commencement, vient s’inscrire dans la fragilité éphémère de la vie des humains.

Le Dieu de lumière vient dans les plus opaques des ténèbres.

Le Dieu lointain se fait infiniment proche.

Il vient dans chacune de nos vies, aussi humble,  aussi anodine soit-elle.

Le Dieu infini du cosmos et du commencement penche son visage sur nous pour nous dire : Noël, sa vraie vie et sa lumière, c’est aussi pour toi !

Amen

.

 

[1] Jn 1,2.

[2] Gn 1,1.

[3] Jn 1,3.

[4] Jn 1,2.

[5] Cf. ici le symbole de Nicée Constantinople, Psaumes et cantiques, n°171.

[6] Jn 1, 4. 

[7] Jn 1, 6-7.

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